Un album, un vol

Ça a commencé il y a huit ans cette affaire-là, avec un gars. Évidemment, tous mes souvenirs ici sont reliés à un homme, mais souvent à celui-ci particulièrement. 

C’est celui qui habitait dans ma deuxième ville coup de cœur, celui qui ne parlait pas ma langue mais qui la voulait souvent au travers de la sienne. Celui qui m’avait été présenté dans une soirée de l’année qui deviendrait ma préférée, celui auquel tous les autres se mesureraient sans le savoir. 

« Je prends l’avion dans quelques jours. Peux-tu me recommander un album à écouter en mode avion svp? »

La première fois que je lui ai demandé, c’était presque anodin puisqu’on s’envoyait régulièrement des noms d’artistes, des screenshots de chansons, des tops de nos artistes du moment ou de tous les temps. C’était la base de notre amitié particulière, notre lien invisible qui nous tenait ensemble. 

Les excuses ne manquaient pas pour qu’on s’échange des souvenirs sonores : À ma fête, après un show, à notre fête nationale respective, à un souvenir Facebook, après une nouvelle sortie d’album, à un de ses seuls week-ends off, à sa fête, à Noël, quand je me remettais d’un autre plus proches physiquement qui faisait plus de sens, à la veille du Nouvel An. Name it.

Ce n’était même pas pour me distraire du stress qu’on peut vivre en avion, je suis sans doute trop naïve pour penser que MON vol, de tous les vols du monde, va crasher. C’était pour rester connectée avec lui dans un des seuls instants qu’on ne pouvait pas se rejoindre. Je me disais (naïvement encore une fois) qu’il le savait autant que moi.

La fois suivante que je lui ai demandé était presque autant annodine, mais j’étais consciente de l’habitude que je voulais créer, du réconfort ou de la sécurité que ça m’apportait. Je lui ai rappelé que je lui avais demandé la même question la dernière fois pour qu’il se sente responsable, pour qu’il prenne ça au sérieux. 

Comme s’il était avec moi, l’instant d’un album. 

C’est arrivé une seule fois que je lui demande quoi écouter pour un vol qui me menait à sa ville. Ça a été la seule fois que j’étais stressée de lui demander. Mais sans doute la meilleure.

Il m’avait recommandé un des plus précieux albums depuis qu’on se connaissait: Riceboy Sleeps – Jònsi & Alex Somers

La semaine dernière : Saturday Night – The Blue Nile. 

La fois d’avant : The Devil’s Walk – Apparat. 

Au fil des années, j’ai voulu me faire croire que ce n’était pas vraiment relié à lui, cette habitude. J’accorde de l’importance à la musique que j’écoute, surtout quand je prends le temps de consciemment écouter.

Ça se compte sur les doigts d’une main, les personnes sur qui je compte pour des recommandations d’une fois à l’autre. Je fais des essais-erreurs, pour voir si l’exercice peut se faire et passer d’une fois à l’autre. 

J’ai eu de grandes suggestions au travers des années.
Let’s Start Here. – Lil Yachty.
Hospice – The Antlers
Anak Ko – Jay Som
Malibu – Anderson. Paak
Parcels – Parcels

Certains m’ont marquée plus que d’autres. Certains ont été une seule référence, d’autres reviennent année après année pour différentes raisons qui seraient trop longues à expliquer ici.

Si vous faites partie de ces personnes à qui j’ai demandé et vous vous demandez pourquoi je ne vous l’ai pas redemandé, je vous rassure, c’est rien de personnel. C’est juste que le fil conducteur de cette tradition est vraiment lui et seulement lui, au bout du compte.

Huit ans plus tard, je lui dis seulement que je prends l’avion d’ici quelques heures ou quelques jours et il sait quoi faire. 

Et quand je me dis que ses choix me coupent moins le souffle, je pèse sur play

Et ça me réconforte.

L’instant d’un album. 

Published by MARYLOUGB

Dis-moi ta chanson préférée. C'est tout ce qui compte pour commencer.

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