J’aimerais être une aussi bonne personne que l’album Wave de Patrick Watson est intemporellement remarquable.
Mon plus grand rêve est qu’on pense à moi comme je pense à cet album, peu importe le moment de ma vie depuis sa sortie.
C’est peut-être le cas à vrai dire, on dit toujours qu’on est le critique le plus sévère envers soi-même, donc j’ignore un peu ce que les gens pensent réellement de moi lorsque je leur viens en tête. Bref.
Commencer un album avec une chanson aussi bonne que Dream For Dreaming, qui te coupe le soufle et te donne hâte à tout ce qui suit, c’est tout de même un bon exploit qui mérite d’être souligné. Une chanson qui donne le goût de respirer lentement et de se servir une autre coupe de vin pour que le temps ralentisse un peu plus. Surtout quand la chanson éponyme suit et ne donne pas sa place dans la catégorie « mais d’où il sort et pour qui il se prend de sonner comme ça ». Une chason dans la catégorie « je ne sais plus je suis où, mais peu importe ». Il a pris son temps pour vivre cet album, cette partie de sa vie, et ça parait.
37 minutes, 10 chansons. Trop peu, mais ça donne le goût de le réécouter et me rappeler que c’est insensé que Patrick Watson habite dans la même ville que moi.
J’aime sans doute fondamentalement cet album pour la chanson Broken. Broken est sans aucun doute ma chanson la plus crève-cœur de l’album et dans mon top 10 en général, celle qui me transperce de bord en bord à tout coup. Simplement parce qu’elle me rappelle un matin de novembre immortalisé dans un livre écrit qui ne sera jamais publié. En voici un extrait pour vous faire comprendre.
« Je me suis réveillée le lendemain avec mon cadran et le soulagement d’avoir callé une journée de télétravail pour pouvoir rester chez moi. J’avais sans doute accepté plus de shots que je pensais la veille, parce que le réveil se faisait plus au ralenti que je ne l’aurais pensé. Ça ne faisait pas une minute que mes yeux étaient ouverts que je me suis empressée de regarder mon téléphone pour voir si la conversation qui me revenait en tête s’était bel et bien passée.
Oui, chaque mot était là. Mais dans le bon sens.
La conversation résumait pratiquement tout ce qu’on s’était empêché de dire depuis quelques mois, voir plus d’un an. J’ai relu plusieurs fois notre conversation avant d’oser bouger de mon lit.
À travers les années, j’avais été habituée à drunktexter ou recevoir des messages qui sentent l’alcool dès leurs premières lettres. J’avais aussi été habituée à me réveiller avec des regrets dans les mots que j’avais réussi à écrire à des gars vraiment pas si importants. Des gars que je trouvais toujours des excuses lorsqu’ils n’étaient pas là pour moi, lorsqu’ils ne se souvenaient pas de ma date de fête ou qu’ils me faisaient sentir insécure.
Ce matin-là, c’était différent.
C’était doux. Si notre conversation avait eu une couleur, ça aurait été un miel-sirop-d’érable-sucre-brute avec un soupçon de piment de cayenne. Si notre conversation avait été une chanson, ça aurait été la plus récente de Patrick Watson[1]. Nos mots s’étaient écrits sans vulgarité, sans les habituels pick-up lines que les gars sortent trop souvent pour séduire rapidement une fille. Ça allait à coups de « When do I get to see you again? » et de « I miss you, you know ».
On s’était avoué un message à la fois que la distance n’était pas évidente et qu’on pensait encore l’un à l’autre. Les mois avaient bien beau s’écouler, nos pensées restaient les mêmes. On voulait être l’un avec l’autre, même si on ne l’était pas.
« Ok, will book that flight. Pick me up at the airport ? » qu’il me disait à la blague. Je l’avais imaginé m’écrire ces mots en pilant sur son orgueil de gars qui ne croit pas aux relations à distance. C’était beau.
On n’était rien officiellement l’un pour l’autre, mais on n’avait pas besoin de mettre un titre officiel pour savoir pertinemment qu’on aimait plusieurs choses chez l’un et l’autre et que ça nous suffisait. Ça nous suffisait malgré ce qu’on avait pu croire dans le passé, malgré tout ce qu’on pensait avant de se rencontrer.
[1] À l’époque, la plus récente chanson de Patrick Watson était Broken. »
L’album termine avec Here Comes the River, simplement pour nous rappeler qu’une chanson peut être triste, inspirante, vraie et impossible à la fois.
Comme une bonne histoire d’amour à distance.
Comme un deuil qu’on n’a pas vu venir.