Je pense que c’était un mardi soir, ou peut-être un mercredi, mais en tout cas on n’était pas assez proche à mon goût d’un jour où je me réveille sans cadran. J’étais (encore) la dernière personne au bureau, à écrire un blogue sur une maison pas-achetable-mais-incroyable et me demander si ma vie importait vraiment.
Sans doute un peu dans le même état que je suis présentement à vrai dire, mais sans la maison-pas-achetable.
Ça m’arrive une semaine sur deux, cet état-là. C’est pas inquiétant.
Il était passé 18h, peut-être même 19h, me connaissant. J’étais seule sur mon étage au bureau, même ma collègue préférée qui partait toujours trop tard pour le salaire qu’on était payées s’était éclipsée de son écran.
Je me souviens plus exactement pourquoi j’étais à boute, mais j’avais sans doute mes raisons. Que ce soit amoureuses, professionnelles, familiales ou personnelles, mes raisons d’être à boute étaient assurément correk.
Se remettre en question à 26 ans, ça fait partie de la game de toute façon.
J’étais tellement pu capable que même la musique que j’écoutais habituellement pour me calmer ou me motiver à travailler me gossait.
À l’époque, j’essayais souvent d’impressionner un certain gars par les chansons que je partageais en Story. Très niche comme méthode de cruise vous me direz, mais ça marchait dans ma tête, puisque chaque chanson qu’il me partageait me faisait fondre un peu plus.
Les dernières que j’avais partagées étaient Llaw = Wall de The Joy Formidable et Midnight Souls Still Remain par M83 et ça avait fait son effet. Un message privé envoyé directement ou une référence à ladite chanson la fois suivante qu’on se croisait, toutes réactions étaient un indicateur de réussite. J’essayais souvent d’écouter des albums d’artistes qu’on s’était mentionnés brièvement pour trouver des pépites d’or inédites. Presqu’autant pour mon plaisir personnel que pour l’impressionner dans mes trouvailles d’archéologue musicale.
Je savais qu’il n’allait pas aimer la chanson que je venais d’écouter à ce moment et qui m’avait fait quitter mon onglet Chrome pour aller dans Spotify voir le nom de l’artiste inconnu, mais ça ne m’a pas passé par l’esprit sur le coup. J’avais mis la radio d’un album qu’il m’avait envoyé quelques mois au paravant et c’était la première chanson qui avait retenue mon attention depuis une bonne demie heure.
Je savais que la chanson n’était pas son genre. Trop de trémolo dans la voix du chanteur, trop folk dans les guit’ ou pas assez d’électro overall (ou le fait que je manquais de confiance en mes goûts, on va se le dire) pour qu’il me réponde si je venais à partager la chanson publiquement. Mais quelque chose dans le trémolo de sa voix me faisait du bien, quelque chose dans les guit’ me donnait le goût de chanter, et surtout je sentais que j’écoutais la chanson pour moi et pour personne d’autre.
Le groupe est pas parfait et techniquement je voudrais pas nécessairement qu’on joue ça à mon salon funéraire. J’ai une ultime playlist pour ça, et ça n’en fait pas partie pour l’instant. Mais c’est aussi ça qui est beau, quand une chanson embellit un moment banal à s’en souvenir cinq ans plus tard.
Qu’une chanson me donne envie de prendre le train, trois semaines plus tard après l’avoir découverte, pour l’entendre live avec 349 autres personnes dans une petite salle à 500 km de chez moi, c’est important.
Et c’est ce qui est arrivé. J’ai finalement terminé ma journée de travail ce soir-là, j’ai continué d’écouter leur album le reste de la semaine et j’ai fini par acheter un billet de leur show puisqu’ils passaient par hasard relativement pas trop loin bientôt, j’ai booké un AirBnb et j’ai acheté un billet de train, parce que je le savais que ça vaudrait la peine.
J’en avais besoin à l’époque parce que mon état d’être à boutte allait et revenait plus souvent qu’à l’habitude.
C’est peut-être ce show qui m’a convaincue d’aller en voir autant d’autres seule par après, au lieu d’attendre d’avoir quelqu’un qui m’accompagnerait pour écouter mes chansons préférées du moment ou de tous les temps. C’est sans doute pour ça que je retourne à Toronto depuis cinq ans pour aller les voir, s’ils sont de passage au Canada mais pas plus proche de Montréal.
P.s. J’ai partagée la chanson en Story ce soir-là, après avoir écouté leur premier album en boucle. Ledit gars-à-impressionner n’a jamais réagi à cette Story ou une autre reliée à ce groupe. Et c’est sans doute un peu pour ça que c’est si personnel, mon attachement envers eux, c’est mon affaire à moi. Je les aime pour impressionner personne. Je les écoute par réconfort, un peu pour me rappeler que même quand on est à boutte, de belles choses peuvent nous surprendre.
Le groupe me fait toujours du bien quand on me parle d’eux.
Le gars-à-impressionner de l’époque, c’est plus mitigé.
Come meet me in [San Francisco]
Come over this far love
‘Cause when we are together it’s that slip off your shoes
It’s not been the groove
But when you take forever
I know time will slow but I wanna know
You will remember that I put my soul into it all.