Comme un vieux fantôme

Fais-moi écouter du Yann Perreau malgré tout, pour me rappeler mes premiers shows qui m’ont fait tomber en amour avec la musique live. Ces soirées au troisième étage du cégep de Chicoutimi, au (feu) Ménestrel, à essayer de pas trop cligner des yeux pour rien manquer.

Fais-moi écouter du Frank Sinatra pour me rappeler mes amis qui dansaient saouls un soir d’hiver en amour sur l’air de Fly me to the moon, dans la pénombre d’un bar de quartier.

Fais-moi écouter Without You de Oh Wonder pour me rappeler la fois que j’ai vu le duo en show avec un ami sur lequel j’avais un crush avant même notre première conversation, mais qui m’avait friendzoned après ma première (et seule) tentative d’avoir une date avec lui.

Fais-moi écouter Karim pour me rappeler la complexité de tout ça. Pis la tendresse, aussi.

Fais-moi écouter Death Cab for Cutie pour me rappeler que c’est mon meilleur ami qui m’a fait découvrir ça il y a 15 ans, alors qu’on roulait en voiture entre Laterrière, Chicoutimi, Arvida et Jonquière toute la soirée en écoutant de la musique. Ça va me rappeler que la vie a pas à être plus compliquée que ça, pis que je devrais l’appeler plus souvent. Ça va me rappeler aussi quand je les ai finalement vus en 2018, downtown Vegas, dans un festival qui m’a fait angoisser pendant deux jours pour plein de raisons irrationnelles que je pourrais te parler si on prenait le temps de se raconter nos plus grandes angoisses.

Fais-moi écouter du Angel Olsen pour que je repense à la fois que je l’ai vue en octobre 2019, seule au MTelus. Ça va me rappeler comment j’étais triste cette fois-là, comment je feelais pas sans savoir pourquoi et que ça m’angoissait encore plus de ne pas savoir pourquoi. Ça va surtout me rappeler que ça a passé, avec le temps qui fait parfois bien les choses. Je l’ai revue il y a pas longtemps, beaucoup plus heureuse.

Fais-moi écouter du Vince James pour me rappeler le matin de la première fois que je prenais l’avion seule pour l’Ouest canadien. Il devait être à peine 7h du matin, gros soleil à travers les baies vitrées de Pierre-Elliott Trudeau, et beaucoup moins de gens que je m’attendais. Je tremblais; un peu de fatigue, un peu de fébrilité. De bonnes fébrilités. Tout ce que j’avais besoin pour être bien, c’était mon carry on, mes écouteurs et son album Cherry Blue.

Fais-moi écouter du M83 pour me rappeler la chanson préférée d’un gars de l’Ouest canadien, mais surtout pour me rappeler toutes les autres chansons que j’ai aimées sans son approbation avant de le connaitre, juste parce que je les aimais et que certaines chansons n’ont pas besoin d’être étiquetées à une personne ou un moment pour qu’on les aime. Même si fondamentalement, toutes les chansons de M83 seront reliés à lui que je me l’admette ou non

Fais-moi écouter Arcade Fire pour me faire penser à ma soeur quand j’étais plus petite et le fait qu’elle était tout ce que j’admirais. Ça va me rappeler que certaines choses n’ont pas changé avec le temps.

Fais-moi écouter du 1975. N’importe quel album, n’importe quelle chanson, tout est bon, je vais approuver. Fais-moi écouter tout sauf ce qui se retrouve sur ma playlist « Favs – 1975 » parce que je les ai trop écoutées celles-là, selon mon Review 2020 Spotify.

Fais-moi écouter des nouveaux artistes, des nouvelles chansons que je n’ai jamais entendues. Fais-moi écouter des vieilles chansons, des artistes qui ne sont plus.

Comme un vieux fantôme.

Fais-moi tout écouter. Tout vivre.