La fois où 2Frères a “perdu” son stock

La première fois qu’on s’est rencontré, c’était à une des plus précieuses-magiques-incroyables villes au Québec, en Gaspésie. À Petite-Vallée. Là où on te promet de tomber en amour quand tu t’en attends le moins… ou sinon de jaser avec Louis-Jean au bar pendant qu’Émile Bilodeau et qu’un des gars des Trois Accords startent un feu dehors.

À vrai dire la première fois qu’on s’est rencontré c’était au terminus de Longueuil. Moins glamour, donc j’avais décidé de ne pas mentionner ce bout, mais tant qu’à raconter les choses:

Moi, ma valise, mon sac à dos, mon stock pour semi-prendre de la photo/vidéo et mon chapeau, complètement perdue entre la sortie du métro et les allées d’autobus parce que ça fait moins d’un an que je suis déménagée dans la grand’ ville à l’époque.

Elle qui m’appelle, vu mon retard au point de rencontre et mon manque de confiance flagrant dans mon courriel de confirmation « ah oui parfait, je sais exaaaactement où c’est… Je crois. À demain là! »

Moi qui finit par comprendre le réel point de rencontre et qui amène en même temps deux-trois autres blogueurs-journalistes croisés par hasard, tous aussi perdus.

J’avais un paquet d’émotions différentes qui se disputaient la première place sur le podium de l’importance et je ne sais pas encore à ce jour laquelle a gagné. C’était la première fois que j’allais aussi loin au bord du fleuve pour voir des spectacles en étant payée. C’était la première fois que j’allais aussi loin au bord du fleuve tout court.

La première grosse journée de route se résume en peu de mots. Y’a mouillé à Trois-Pistoles. On a perdu une roue à la semi-remorque qui contenait tout notre attirail avant d’arriver à Sainte-Anne-des-Monts. Mais on est finalement arrivés au Théâtre de la Vieille-Forge, à temps pour souper aux crustacés et voir le soleil se coucher comme si tout était produit par Téléfilm.

La pénombre tombée, on devait être les seules personnes qui n’aimaient pas particulièrement 2Frères puisque leur spectacle était sold out ce soir-là. Il restait seulement quelques places au bar adjacent à la salle de spectacle (aka le seul en ville).

Les premiers pichets et anecdotes de festival se sont rapidement écoulés autour de la table. On se connaissait à peine, mais on n’avait besoin de rien de plus pour se sentir proche. Et pour comprendre que les prochains jours seraient mémorables. Et ce, même si on entendait la foule d’à côté demander un rappel à 2Frères.

Avant que je tombe sous le charme d’un des chansonneurs ou qu’on se retrouve autour d’un feu avec Dumas, on a décidé de retourner à notre hébergement pour pouvoir profiter des shows secrets du lendemain qu’on s’était fait spoiler un peu plus tôt. Les quelques pichets consommés nous empêchant de prendre le volant, et l’absence évidente de transport en commun (ou taxi), la marche était notre seule solution.

Les plus courageux sont partis sans hésiter, nous laissant, la grande sauveuse de ce matin et moi, dans la peur de devoir monter la plus grande côte du monde (mais quand je dis grande, c’est graaaande. Mais surtout parce qu’on l’avait vue de nos yeux fatigués et impressionnés en arrivant, et qu’on ne savait pas que ça nous prendrait en réalité 8 minutes la gravir) et se retrouver dans les petites rues peu éclairées de Petite-Vallée.

On décide donc de trainer un peu autour du Théâtre, de jaser aux gens qu’on connait plus ou moins, de sentir le vent du bord du fleuve sur notre peau, de voir les spectateurs quitter lentement mais sûrement l’endroit un peu moins musical, de se faire raconter les soirs d’avant par les quelques contacts qu’on a ici. De profiter du moment, quoi.

À ce moment-ci, 2Frères ont terminé leur spectacle et pacte leur remorque pour pouvoir partir dormir non loin. Par coïncidence, on connait les mêmes personnes, donc on se mêle aux mêmes conversations les uns avec les autres. Les gars sont fins finalement, on doit l’admettre.

Une chose en entraine une autre, on finit par comprendre qu’ils ont en masse de place dans leur van Jean Légaré, puisque leur stock rentre dans leur remorque en arrière. En masse pour deux filles qui veulent juste un lift jusqu’en haut de la côte-qui-fait-peur.

Insouciantes et charmées par la gentillesse des gens du village, on leur demande un lift.

Ils refusent. Sans vraiment de raison, ils refusent tout simplement.

On perd donc espoir de trouver une alternative et décide amèrement de commencer à marcher. On en rit un peu, on se dit qu’au pire ça nous ferait une histoire à raconter.

Ça fait 20 secondes qu’on a entamé notre périple et je trouve déjà que la pente est à-pic. Je ris un peu moins.

Comme de fait, la van de 2Frères passe devant nous et avance probablement 18 fois plus vite que nos pieds déjà un peu perdus.

C’est environ à ce moment-ci que les portes arrières de leur trailer s’ouvrent devant nos yeux et laissent échapper tambours, ampli et autres boîtes connexes qu’ils avaient précieusement rangés quelques minutes plutôt. Si le karma avait voulu nous faire justice, il n’aurait pas su si bien faire. Étant complètement séparés du contenu de leur trailer maintenant à moitié vide, ils n’avaient même pas conscience qu’une partie de leur spectacle est maintenant bien derrière eux (littéralement).

On a beau s’exclamer instantanément d’un mélange de rire aux éclats et de (petits) cris afin d’attirer leur attention pour qu’ils s’arrêtent, rien n’y fait. Ils tournent le coin au bout de la côte comme si de rien n’était et disparaissent en un clin d’œil.

Par chance (pour eux), on n’était pas les seules à avoir assisté à cette scène. Une des meilleures personnes d’entre elles arrête sa moto proche de nous, le sourire narquois aux lèvres et le téléphone non loin. « J’ai le numéro de leur sono, je vais lui lâcher un coup de fil pour l’avertir de tout ça ».

Une partie de nous aurait aimé lui dire de laisser faire, mais on savait que c’était sans doute mieux de garder le karma de notre bord. On a continué notre chemin jusqu’à notre hébergement, en se disant que ça nous ferait vraiment une histoire à raconter le lendemain.

Au bout du compte, je ne me rappelle même plus si on a vraiment marché jusqu’à notre maison ou si une bonne personne généreuse (aka n’importe qui de l’endroit) nous a fait le lift jusqu’à destination. Tout ce que je me rappelle, c’est que Petite-Vallée est remplie d’anecdotes comme celles-ci.

Comme quoi s’il y a des maisons où les chansons aiment entrer, les personnes qui les habitent sont autant plus précieuses-magiques-incroyables.

Published by MARYLOUGB

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